Il faut un passeport pour dépasser le chemin de fer

La neige recouvre toujours Comines, et un froid mordant s’installe, rendant l’atmosphère encore plus oppressante. Après une période de calme relatif, les obus recommencent à s’abattre. Dès le matin, le bruit sourd du canon emplit l’air, s’intensifiant au fil de la journée.
Dans l’après-midi, une vingtaine d’obus tombent sur la ville, frappant des cibles variées : les gares de France et de Belgique, l’usine HF et la rue de la Procession. On murmure que ces tirs proviendraient du fort de Prémesque. Vers 16 h, des explosions détruisent deux estaminets bien connus : le Cœur Joyeux et l’Espérance, désormais réduits à des ruines.

C’est également à cette époque que le Lieutenant Bruce Bairnsfather, du 1er Bataillon du Royal Warwickshire Regiment, griffonne les premiers traits de son personnage humoristique, « Old Bill », sur les murs en cendres d’une maison en ruine à Saint-Yvon. Avec un talent remarquable, il immortalise des scènes de la vie quotidienne des soldats, mêlant réalisme et humour. Ses dessins plaisent tant qu’ils sont publiés dans « The Bystander », un journal londonien. À sa grande surprise, il reçoit même un chèque de deux livres sterling en récompense, accompagné d’une demande pour d’autres œuvres. Ces croquis connaissent un succès fulgurant, apportant un rare éclat de légèreté dans la dureté du front.

Pendant ce temps, à Comines, le curé Jean-Baptiste Delporte obtient un passeport lui permettant de se déplacer au sein de sa paroisse. Son périmètre est toutefois limité : il peut aller jusqu’au pont Mallet et à la ferme Orner Bonte, mais il lui est interdit de pénétrer sur la paroisse de Ten-Brielen, laissée sans prêtre. En ville, les civils doivent également se conformer à des restrictions sévères, comme l’interdiction de dépasser la voie ferrée sans passeport.
Une nouvelle proclamation allemande est affichée dans les rues de Comines. Celle-ci impose des règles strictes concernant les armes, les vélos et les pigeons, les maires étant tenus responsables de leur application. La pression sur la population ne cesse de s’accroître, chaque geste ou possession devenant source de suspicion et de contrôle.