Tout s’accélère.

À Comines, dès 6 h 30, une vive canonnade et des fusillades retentissent du côté de Ten-Brielen et Wervicq, accompagnées de survols d’aéroplanes dès le matin. Vers 16 h, la canonnade reste intense dans cette direction, tandis que de nombreuses troupes traversent la ville toute la soirée, jusque tard dans la nuit.
À Saint-Yvon, le 106e régiment d’infanterie allemand soutient la 4e division de cavalerie dans une attaque venant du cabaret des Chasseurs et de la Fabrikstrasse, près de la ferme de la Truie, ainsi que vers l’ouest depuis la ferme de la Douve. Les deux assauts échouent.
Le 247e régiment de réserve et le 16e régiment de réserve bavarois capturent Kruiseek, pendant que deux corps d’active remplacent la cavalerie allemande sur la ligne Wervik-Warneton. Tout est prêt pour lancer l’offensive sur Ypres. La 4e armée allemande attaque les Britanniques, qui déploient de Zonnebeke à Armentières le 1er corps de Haig, le 4e corps de Rawlinson, le corps de cavalerie d’Allenby, et le 3e corps de Pulteney. L’objectif est stratégique : le Kaiser, espérant une victoire décisive, est arrivé à Tielt, prêt à entrer triomphalement à Ypres. Les premières attaques sont victorieuses avec la prise de Kruiseecke, Zonnebeke, Beselare, Zandvoorde, Hollebeke et Saint-Yvon, avant que le front ne se stabilise.

Un témoignage datant de 1935 décrit les combats du 29 octobre près de Beselare, où des divisions de réserve allemandes, composées d’étudiants volontaires, ont fait preuve de bravoure malgré des pertes considérables. Les troupes britanniques, bien mieux entraînées et équipées, ont repoussé les assauts grâce à leur précision de tir.
Un récit bref mentionne également une reconnaissance du bataillon de pionniers bavarois du côté d’Houthem, suivie d’un bombardement à Zwarteleen et d’une attaque infructueuse contre des positions britanniques près d’Hollebeke.
Dès 5 h 30 du matin, les Allemands lancent leur attaque des deux côtés de la route Menin-Ypres, avançant en rangs de quatre sur la route. Leur but: atteindre Gheluvelt. Il faut savoir que les troupes allemandes partaient à l’assaut, parfois accompagnées de tambours et de fifres, le plus souvent en chantant « Deutschland über alles » ou « Die Wacht am Rhein. » Ce chant, dont le volume augmentait à mesure de leur approche, devait certainement impressionner leurs adversaires. La 54e division allemande lança une attaque près de la route Menin-Ypres, mais se heurta à une forte résistance britannique. Les pertes allemandes furent lourdes, notamment le long des routes de Menin et Beselare, où les Britanniques avaient positionné des armes automatiques sur ordre du général Fitzclarence.

Le régiment d’infanterie 125 de Stuttgart fut redéployé à Gapaard pour un assaut sur Messines, tandis que la brigade B.K.D. fut relevée par le XVe corps d’armée de von Deimling, prenant ensuite position dans le secteur des fermes de la Douve et du Damier à Warneton.
Les forces françaises arrivent à Dixmude, tandis que les inondations autour de l’Yser entravent les mouvements allemands. À Ypres, un bombardement touche la prison, permettant l’évasion des prisonniers et de leurs gardiens. À Poperinghe, l’intendance française abat entre 80 et 100 vaches par jour pour ravitailler les troupes. Les Allemands intensifient leurs attaques au sud-ouest d’Ypres.
Pendant ce temps, l’Empire ottoman entre officiellement en guerre aux côtés des puissances centrales après avoir attaqué des ports russes en mer Noire. Les Anglais imposent un blocus économique à l’Allemagne, et en réponse, le Kaiser ordonne de renforcer la guerre contre le commerce allié. Les croiseurs allemands bombardent plusieurs ports russes, dont Odessa et Sébastopol.
Note de la rédaction :
Deux militaires allemands dans notre région au cours de la Grande Guerre !
Il nous a semblé intéressant de reprendre quelques passages de journaux de campagne de deux militaires allemands attachés aux services de santé.
Les extraits de journaux de campagne de Georg Cohn et Georg Lill, deux médecins militaires allemands attachés aux services de santé durant la Première Guerre mondiale, offrent des perspectives uniques sur la vie des soldats et la réalité du front en Belgique. Ces récits se suivent chronologiquement, éclairant les ressentis d’un soldat étranger, à la fois dans les combats et à l’arrière.Georg Cohn
Georg Cohn, né le 19 novembre 1884 à Königsberg, arrive dans la région de Messines le 29 octobre 1914, après avoir franchi la frontière belge à Herbesthal le 24 octobre. Son parcours l’a mené à travers plusieurs villes stratégiques – Bruxelles, Tournai, Lille – avant d’atteindre Wervicq et Dadizele. Assistant-médecin de confession juive, Cohn sert en première ligne tout en observant les conséquences de la guerre sur les habitants et les villages environnants. En dépit de son service en 1914-1918, il sera privé de sa nationalité durant le régime nazi en raison de sa religion. Cohn s’éteindra bien plus tard, le 18 septembre 2000, à Munich, à l’âge avancé de 115 ans.
Georg Lill
Georg Lill, également médecin militaire, est déjà présent à Comines à Noël 1914. Il ne commence toutefois à consigner ses observations qu’en mars 1915. Né le 4 novembre 1884, il poursuivra ses activités après la guerre jusqu’à son décès, le 11 août 1952. Son journal documente la vie quotidienne et la rudesse des conditions de guerre. Contrairement à Cohn, son parcours personnel ne semble pas avoir été marqué par des discriminations liées à sa confession ou à son statut post-guerre.
Ces deux témoignages complémentaires, par leurs observations des affrontements et de la vie dans les zones occupées, permettent de mieux comprendre les perceptions et les défis des soldats allemands en Belgique. Ils montrent aussi les conséquences du conflit pour ces hommes, dont les vécus au front contrastent souvent avec les bouleversements politiques et sociaux de l’Allemagne d’après-guerre.